Lors de l’électrification de la ligne de chemin de fer vers Marieville en 1913, la Municipalité de la paroisse de Notre-Dame-de-Bon-Secours émet le désir de posséder une gare, ou du moins, un arrêt officiel situé au coin de la traverse du Rang de la Savane. Ce rang est en fait le prolongement du Chemin du Cordon. La compagnie Montreal & Southern Counties Railway accepte cette demande et l’embarcadère prend le nom de Cordon Road. Quelques années plus tard, l’appellation sera modifiée pour Rouville.
Dans le but d’y construire un immeuble, le conseil municipal achète en 1914 de M. Henri Marcil, et ce, au coût de 25 « piastres », un terrain borné en front par le Rang de la Savane, d’un côté par le chemin de fer de la Montreal & Southern Counties Railway et de l’autre côté par le lot 106 du cadastre de la municipalité. Le bâtiment est dessiné par M. Arthur Daigneault qui habite le Rang de la Savane, sur une terre qui longe la descente vers la rivière que l’on nomme aujourd’hui la Montée Daigneault. Le conseil municipal souhaite utiliser ce bâtiment pour tenir ses réunions, ce qui ne se réalisera jamais.
Il servira plutôt pour l’entreposage de machinerie dédiée à l’entretien des chemins et pour le remisage d’instruments agricoles. De plus, la municipalité vise d’autres buts en construisant cet édifice : répondre à un besoin des cultivateurs de la municipalité en leur fournissant un entrepôt pour l’envoi, sur une base journalière, des bidons de lait vers les grandes laiteries de Montréal et de Granby, mais également, permettre la réception et l’expédition de divers éléments reliés à l’agriculture. Quant aux voyageurs, ils attendent l’arrivée du tramway électrique sur une plateforme longeant la voie ferrée. Une petite pièce chauffée dans l’entrepôt est disponible en cas de mauvais temps. Pour prendre le tramway aux arrêts désignés le long du chemin de fer, le client doit absolument signaler sa présence avec un drapeau rouge pour que le tramway arrête.
Le wagon 502 servant au transport des bidons à lait vers les grandes laiteries de Montréal et de Granby.
Avec l’arrivée du service postal ferroviaire, les cultivateurs reçoivent beaucoup plus rapidement leur courrier. À cette époque, c’est le « postillon » Arthur Daigneault qui distribue le courrier dans les rangs de la municipalité. Avec son cheval, il vient récupérer la « malle » à l’arrivée du tramway, puis il consacre une bonne partie de la journée à livrer ce courrier aux cultivateurs.
Les horaires des tramways le 27 septembre 1914.
Quatre cheminots avec leur draisine « pompeu » devant la gare de Richelieu.
Le tramway 100 en direction de Rouville.
Mme Benoit-Ostiguy se rappelle très bien la station Rouville au coin du Chemin du Cordon. En 1944, elle a entre 12 et 13 ans et elle habite le Chemin du Cordon. Après avoir fréquenté la petite école du rang, elle poursuit ses études au couvent des soeurs de Saint-Joseph situé au village de Richelieu. Elle marche environ deux milles de chez elle jusqu’au petit dépôt, puis elle attend l’arrivée du tramway. Elle descend à la gare de Richelieu et se rend à pied au couvent. Le soir, elle fait le trajet inverse et arrive chez elle vers 17 h 30. Pendant l’hiver, elle pensionne au village chez son oncle Évariste Ostiguy. Il fallait de la détermination et du courage pour continuer ses études dans ces années-là. Les tramways n’arrêteront plus à Rouville à partir du 13 octobre 1956.
Ce petit appareil ferroviaire roulant est principalement utilisé pour la maintenance des voies ferrées : l’inspection des lignes, le transport du matériel ainsi que l’entretien du chemin de fer par le personnel. M. André Gaudreau de Richelieu nous raconte l’une de ses promenades de la gare de Richelieu à Rouville : « À une époque où les enfants de notre patelin devaient se contenter d’un tricycle ou d’un cerceau, la draisine des cheminots était le point de mire de chacun. Dans notre langage restreint des termes ferroviaires, on appelait ce véhicule utilitaire sur rail, le pompeu, car il était actionné alternativement par une poussée verticale sur un levier par des hommes se faisant face, debout sur une plateforme montée sur roues. La récompense suprême était d’être accepté comme voyageur pour un court trajet. Pour nous, cette draisine avait une voix bien à elle que nous écoutions les yeux fermés : tic-tic, tic-tic, tic-tic, tic-tic. Cette onomatopée, c’était le bruit des roues chaque fois qu’elles chapeautaient les joints d’extension du rail. Ce petit tour en pompeu était toujours assorti d’une promesse de secret, faute de quoi il faudrait la prochaine fois se munir d’un ticket auprès du chef de gare. »
Recherche et textes
Gilles Bachand, Historien
Société d'histoire et de généalogie des Quatres Lieux
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